Sengan-en derrière nous, on file vers le terminal de ferry, notre bateau pour Yakushima appareille à 18h10. Austérité et restriction budgétaire ont fait qu’on a laissé de côté le ferry rapide qui fait la traversée Kagoshima-Yakushima en 2 heures. On a opté pour l’option lente, celle qui met 13 heures. Après tout, dormir dans le ferry ou à l’arrière du campervan, on s’est dit que ça se valait. Disons que ce n’est qu’une fois sur place qu’on se rend compte que notre ferry n’en est pas vraiment un et que ça ressemble plus à un cargo qu’à autre chose. Une fois le van garé à fond de cale, on découvre notre cabine: un espace commun avec une couverture et un coussin plat par personne et pas de matelas. Il faut just choisir son coin de moquette qu’on partage avec 4 backpackers et 3 hommes de chantier, la nuit va être longue. Heureusement on a un hublot de 30 centimètres de diamètre pour profiter du soleil couchant, que demander de plus.
Au final à peine en mer, ma petite sieste réparatrice s’est vite muée en nuit prolongée et j’ai laissé Vee à son bol de ramen. Après une nuit pas plus mauvaise que ça nous arrivons au petit matin à Miyanoura, port principal de Yakushima. Ca nous laisse un peu de temps pour explorer les environs de l’embarcadère et prendre un petit-déjeuner à Isso en attendant l’arrivée d’Hélène, Alexandre et Mister Over (quand on a une chaîne YouTube à 13 ans on a forcément un pseudo!).
Nos guest stars sur place, nous faisons un détour par le supermarché local pour notre pique-nique du midi et on démarre notre tour de l’île par l’ouest, direction la plage de Inakahama, superbe étendue de sable où viennent pondre chaque année les tortues vertes et carettes. On y est juste un mois trop tôt, dommage. Pour ceux que ça intéresse il vaut mieux viser de visiter Yakushima entre mai et juillet.
On continue notre tour par le corridor vert, une portion de route étroite à flanc de montagne où il ne faut pas avoir à croiser un autre véhicule. La route est bordée de chaque côté par la forêt dense quand elle n’est pas tout simplement taillée dans le roc. C’est l’endroit privilégié pour observer les cerfs Sika et autres macaques japonais. Les deux espèces sont endémiques de l’île et plus petites que leurs cousins qu’on peut trouver ailleurs au Japon. Les macaques sont les plus réfractaires des deux à l’idée de se faire photographier. Un regard de travers et les voilà qu’ils montrent les dents, pas bien rassurant tout ça et c’est en panique qu’on rejoint nos véhicules. La photo volée depuis la fenêtre de la voiture ça le fait aussi. Il faut dire qu’au mois d’avril les petits sont tout jeunes et les parents très protecteurs. Avec tout ça, on a bien mérité notre pose repas au pied de la cascade Ohko no Taki, chutes d’eau les plus hautes de l’île avec 88 mètres de hauteur. On finit cette première journée par un stop dans un petit onsen sauvage au bord de la mer où il y a quand même deux bassins séparés par une micro palissade de bambous. Au choix on y compte les bulots ou on profite de ce moment hors du commun pour faire une pause zen. Le café juste à côté mérite aussi le stop. Il est l’heure de filer à l’hôtel pour un repas kaiseki traditionnel et une bonne nuit réparatrice, la journée du lendemain sera longue avec 7 heures de randonnée de prévues.
Pour notre première randonnée le choix se porte sur l’ascension du mont Tachudake, un éperon rocheux de 43 mètres qui culmine à 1497 mètres d’altitude. Il faut compter 3h30 pour la montée et presque autant pour la descente le terrain étant relativement accidenté. Ca commence plutôt tranquillement par la traversée de Yakusugiland une partie de la forêt où l’on trouve des cèdres du Japon multi-millénaires à foison. L’ensemble a un côté un peu irréel, quelque chose d’Alice au pays des merveilles où les arbres prennent des formes étranges qu’on imagine voir s’animer. La pente s’accentue, les marches deviennent plus hautes, des cordes fixes viennent aider pour les passages les plus techniques. Certains rigolent moins que d’autres et il devient difficile de contrer l’argument d’un adolescent “En plus on fait tout ca pour ne pas avoir de vue” quand le temps se couvre à vue d’oeil. On arrive quand même au sommet après 4 heures de marche pour un joyeux pique-nique sans vue vous l’aurez compris! Le retour nous prend 3h30 et c’est fourbu et les genoux en vrac pour Alexandre qu’on reprend la route pour rentrer à notre hôtel où le onsen ne se fait pas attendre. L’instant “bain chaud relaxant” après une longue journée de marche est ce qui fait du Japon un endroit unique pour la randonnée. Il n’y a pas mieux pour se reposer et détendre les muscles.
Minute Cyclopède: cryptomeria est un genre de conifère qui ne comprend qu’une espèce, cryptomeria japonica, endémique au Japon où elle est connue sous le nom de sugi ou cèdre japonais. Elle n’est en réalité pas liée aux vrais cèdres mais appartient à la famille des cyprès. Merci Hélène pour l’explication.
Le lendemain nous partons pour la gorge Shiratani Unsui pour randonner jusqu’à la partie de forêt couverte de mousses plus vertes et variées les unes que les autres. La marche y est beaucoup plus facile que la veille. Pour Vee et moi c’était un incontournable de Yakushima. C’est ici que l’on trouve ce qui fait l’âme de l’île, ce côté forêt enchantée et mystérieuse où arbres, racines et rochers sont engoncés dans leur gangue de mousse, où coulent ruisseaux et torrents et où les cèdres millénaires foisonnent. L’endroit est tout simplement magique et le panorama en bout de randonnée (pour les plus courageux) est à couper le souffle quand le temps s’y prête comme pour nous. On découvre Yakushima dans toute sa splendeur faite de montagnes et de forêts aux cinquante nuances de vert. Sur la route du retour, on croise de nouveaux macaques et biches et on profite une dernière fois des panoramas incroyables avant de reprendre le ferry pour Kagoshima le lendemain.